Catroux, Georges (1877-1969), général français.
Né à Limoges, gouverneur de l'Indochine en 1940, il se rallie la même année au général de Gaulle. Catroux pratique une politique libérale au Levant, où il est nommé haut-commissaire en 1941. Gouverneur général de l'Algérie (1943-1944), il est préposé à l'Afrique du Nord dans le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) de septembre 1944. Il est ensuite ambassadeur de France à Moscou (1945-1948).
En février 1956, il est nommé ministre-résident à Alger par Guy Mollet, qui souhaite remplacer Jacques Soustelle, acquis aux thèses de l'«Algérie française». Gaulliste prestigieux mais déjà fort âgé (80 ans), Catroux est réputé libéral en matière coloniale. En effet, il a négocié l'indépendance des mandats français du Liban et de la Syrie, ainsi que le retour à Rabat du sultan Mohammed V (1955). Catroux est en outre considéré par les Européens d'Algérie comme un «bradeur». Guy Mollet, accueilli par une émeute à son arrivée à Alger, décide par conséquent de le remplacer par le socialiste Robert Lacoste. En 1961, Catroux devient membre du haut tribunal militaire qui juge les généraux du putsch d'Alger (22-25 avril 1961). Il a reçu la distinction de grand chancelier de la Légion d'honneur (1954).
Le Général De Gaulle ("à partir de l'Algérie")
Pour Charles De Gaulle commence alors ce que André Malraux a appelé la «traversée du désert». Retiré dans sa résidence familiale de Colombey-les-Deux-Églises, en Haute-Marne, de Gaulle se consacre à la rédaction de ses Mémoires de guerre, se rendant à Paris une fois par semaine pour recevoir ses fidèles, des historiens et des journalistes, et effectuant plusieurs voyages, notamment en Afrique (1953, 1956) ou au Sahara (1957). À partir de 1957, le problème de l'Algérie précipite la France vers une crise politique majeure et des rumeurs de plus en plus insistantes font état d'un possible retour au pouvoir du général de Gaulle. Interrogé par certains de ses proches sur la situation algérienne, de Gaulle leur aurait laissé entendre que la seule solution pour l'Algérie résidait dans l'émancipation tout en leur interdisant de rapporter publiquement ses propos, selon son biographe Jean Lacouture.
À partir du printemps de 1958, les appels en direction du général de Gaulle se multiplient jusque dans les milieux politiques qui lui sont peu favorables. En mars 1958, une «antenne» algéroise installée par le ministre de la Défense, Jacques Chaban-Delmas, se met à préparer ouvertement son retour au pouvoir, et son nom est intentionnellement mis en avant par le général Salan lors de l'insurrection du 13mai 1958. Entre menace de coup d'État militaire et intrigues politiques, de Gaulle s'impose comme le seul capable de résoudre la crise de régime, simultanément appuyé et par les tenants de l'Algérie française et par ceux qui voient en lui l'homme de la décolonisation. Le 15mai, il se déclare «prêt à assurer les pouvoirs de la République» et, quatre jours plus tard, alors que la tension ne cessait de monter, il convoque la presse pour bien marquer le «légalisme» de ses intentions, déclarant avec humour: «Ce n'est pas à soixante-sept ans que je vais commencer une carrière de dictateur.» Jouant subtilement d'un double jeu entre le pouvoir et les insurgés, de Gaulle se montre d'une grande intelligence politique pendant ces jours d'agonie de la IVeRépublique (ce que la gauche lui reprochera), manœuvrant entre déclarations publiques et contacts privés jusqu'à se voir appelé par le président de la République René Coty à la présidence du Conseil le 29mai. Bénéficiant d'un large soutien émanant aussi bien des socialistes et du MRP que de la droite, il reçoit de l'Assemblée les pleins pouvoirs pour réviser la Constitution. La IVeRépublique s'en était remise à son fondateur.
L'artisan de la VeRépublique
De Gaulle forme un gouvernement comptant quelques gaullistes militants, parmi lesquels le garde des Sceaux, Michel Debré, mais dont les quatre ministres d'État sont d'anciens présidents du Conseil de la IVe République, manifestant ainsi une continuité républicaine à laquelle tient de Gaulle pour rendre sa légitimité incontestable. Pendant l'été de 1958 est rédigée la nouvelle Constitution, que 80% des Français approuvent par référendum en septembre 1958 et, en janvier 1959, de Gaulle est élu président de la République par un collège de quatre-vingt mille grands électeurs. La nouvelle Constitution instaure en France un régime parlementaire semi-présidentiel, appuyé sur le recours fréquent au référendum et dominé par un chef de l'État entendant exercer effectivement le pouvoir suprême. Là où les partisans du général voyaient dans la consécration de l'appel à la volonté populaire un gage de respect de la souveraineté nationale, les opposants à la Constitution, parmi lesquels figurent François Mitterrand et Pierre Mendès France, dénoncent l'instauration d'un système plébiscitaire où l'autorité de l'exécutif limite étroitement les mécanismes du parlementarisme démocratique.
Trois priorités s'imposent au président nouvellement élu et à son premier ministre Michel Debré, qui reste en fonction jusqu'en 1962 : rebâtir l'État, rétablir la monnaie, ce qui est rendu possible par le plan d'assainissement économique Pinay-Rueff, qui détermine notamment la création du nouveau franc et, surtout, régler la question coloniale, dominée par le problème algérien. Après avoir apporté son soutien aux Français d'Algérie (auxquels il déclare le 4 juin 1958 : «Je vous ai compris»), de Gaulle met au point, voyage après voyage, sa stratégie, consistant à obtenir la victoire militaire pour faire ensuite la paix sur les bases de l'«autodétermination» des Algériens, qui se voient offrir le 16 septembre 1959 le choix entre la «francisation», l'«association» (conseillée) et l'indépendance dont de Gaulle prévoit qu'elle mènerait au chaos. Se sentant trahis par celui dont ils avaient appuyé le retour au pouvoir, les partisans de l'Algérie française n'ont ensuite de cesse de s'opposer violemment à lui, lors de la semaine des Barricades à Alger (24 janvier-1er février 1960), puis à nouveau le 22 avril 1961, lors du putsch des généraux, conduit par Salan, Jouhaud, Challe et Zeller. Le général réapparaît à cette occasion en tenue militaire, prend possession des pleins pouvoirs que lui confère l'article 16 de la nouvelle Constitution en cas de crise grave et obtient rapidement le retour à la légalité républicaine. Les pourparlers avec le Front de libération nationale (FLN) débouchent sur la signature des accords d'Évian (18 mars 1962) qui reconnaissent l'indépendance de l'Algérie (et à la minorité européenne le droit théorique de continuer à vivre dans le nouvel État), tout en préservant pour la France un droit de regard sur l'exploitation du pétrole algérien et la possibilité de réaliser des essais nucléaires dans le désert saharien. L'Organisation armée secrète (OAS), mouvement terroriste qui compte bon nombre de militaires de haut rang et de responsables politiques (dont Georges Bidault et Jacques Soustelle) opposés coûte que coûte à ce qu'ils considèrent comme un abandon de l'Algérie, entreprend de saboter les accords d'Évian en pratiquant la politique de la «terre brûlée», rendant définitivement impossible toute cohabitation entre Algériens et pieds-noirs au sein du nouvel État indépendant. Peu après la déclaration d'indépendance de l'Algérie, le général de Gaulle est victime d'un attentat au Petit-Clamart, qui faillit lui coûter la vie (août 1962).
Jacques Soustelle
Né le 3 février 1912 à Montpellier (Hérault), il est ethnologue, spécialiste de l'Amérique latine, sous-directeur du Musée de l'Homme (1937-1939), membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (1937). Rallié à de Gaulle en 1940, il est Commissaire national à l'Information (1942), directeur général des services spéciaux d'Alger (1944), puis commissaire de la République à Bordeaux. Ministre de l'Information (1945), puis des Colonies (1945-1946). Il est secrétaire général du RPF dont il est un des fondateurs (1947-1951) député du Rhône (51-58), gouverneur général de l'Algérie (1955), il voit de Gaulle comme seul capable de maintenir l'Algérie dans une République rénovée. Ministre de l'Information en juillet 1958, il devient ministre délégué auprès du Premier ministre (59-60). Mais pour l'intégration, contre l'autodétermination de l'Algérie, il quitte le gouvernement en février 1960, après la semaine des barricades. Après 7 ans d'exil, il rentre en France à la faveur de l'amnistie (68) et est député en 73. Il est élu à l'Académie française en 1983. Il meurt le 6 août 1990.
Guy Mollet
Né à Flers-de-l'Orne le 31 décembre 1905, il adhère à la SFIO en 1923. Prisonnier de guerre (1941), résistant, maire d'Arras (1945), il est secrétaire général de la SFIO (1946-1969). Député du Pas-de-Calais en 1945, régulièrement réélu, il est plusieurs fois ministre d'Etat sous la IVe République et vice-président du Conseil (mars-juillet 1951). Cofondateur avec Pierre Mendès France du Front
républicain, il devient président du Conseil (31 janvier 1956), mais s'englue dans le problème algérien et échoue dans l'affaire de Suez
(octobre-novembre 1956). Démissionnaire le 21 mai 1957, il est vice-président dans le cabinet Pflimlin, puis, après le 13 mai 1958, il
se rallie à de Gaulle dont il est ministre d'Etat (juin 1958-janvier 1959). En 1962, contre l'élection présidentielle au suffrage universel,
il se lance dans une opposition farouche au régime. Il est un des fondateurs, en 1965, de la Fédération de la gauche démocratique et
socialiste (FGDS). De plus en plus isolé face à la montée de Mitterrand, il ne se reconnaît pas dans le nouveau parti socialiste né du
congrès d'Epinay (1971). Il meurt le 3 octobre 1975.